Communiqué commun de 85 organisations
dont l'AFPS à l'initiative d'Oxfam
La campagne cible des entreprises qui commercent, ou ont récemment commercé, avec les colonies israéliennes : JCB (R.-U.), Barclays Bank (R.-U.), Siemens (Allemagne), Carrefour (France), Maersk (Danemark), Tui (Allemagne), eDreams Odigeo et Opodo (Espagne).
Une alliance comptant plus de 80 organisations de la société civile lance aujourd'hui une nouvelle campagne : « Stop au commerce avec les colonies », demandant aux pays d'interdire toute activité commerciale avec les colonies israéliennes illégales dans le territoire palestinien occupé (TPO), y compris celles des grandes sociétés multinationales et des institutions financières soutenant le projet de colonisation.
Le rapport « Commerce avec les colonies illégales » souligne comment des sociétés et des États étrangers, par le maintien de leurs activités commerciales avec les colonies illégales, contribuent directement à la crise humanitaire causée par l'occupation prolongée d'Israël.
>> Lire le rapport « Commerce avec les colonies illégales : Comment les États et entreprises étrangères permettent à Israël de mettre en œuvre sa politique de colonisation illégale »
Il vise spécifiquement le commerce avec les colonies en raison de l'oppression continue et croissante d'Israël envers les Palestinien.ne.s de Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est), de la fragmentation de son économie et de l'affaiblissement de la viabilité d'un futur État palestinien. Mettre fin aux activités commerciales avec les colonies est une étape essentielle au respect des droits de la personne, à la protection des moyens de subsistance palestiniens, à l'arrêt de l'expansion des colonies israéliennes et à la fin de l'occupation illégale.
Au cours des quatre dernières années, Israël a nettement accéléré ses activités de colonisation en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, marquant une augmentation vertigineuse de la construction de colonies et de l'appropriation du territoire. En 2023, le gouvernement israélien a approuvé la construction de 30 682 unités d'habitation en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, représentant une augmentation de 180 % en seulement cinq ans. En juin 2024, le gouvernement israélien a désigné 12,7 kilomètres carrés de territoire dans la vallée du Jourdain comme étant des « terres domaniales ». En mai 2025, le cabinet israélien a décidé d'établir 22 nouvelles colonies dans le territoire occupé de la Cisjordanie.
Ces approbations ont dépassé les records précédents et révélé le plus haut niveau d'expansion des colonies depuis les Accords d'Oslo (1993-1995). La plupart de ces approbations ont été accordées pour des colonies situées « dans les zones intérieures de Cisjordanie », fragmentant encore davantage le territoire palestinien et imposant de nouvelles restrictions de déplacement aux Palestinien.ne.s. Le retour du projet de colonie « E1 », mis sur la glace depuis 2012 face à l'opposition internationale généralisée, qui approuve la construction de 3 400 nouvelles unités d'habitation dans un bloc reliant Jérusalem-Est à la colonie Ma'ale Adumim, empêche conséquemment les déplacements palestiniens entre le nord et le sud de la Cisjordanie.
L'avis consultatif émis par la Cour internationale de Justice (CIJ) en juillet 2024 est clair : les gouvernements permettant le commerce avec l'économie des colonies sont jugés complices du maintien et de l'expansion des colonies illégales israéliennes et soutiennent donc l'occupation illégale d'Israël dans le territoire palestinien.
Les militant.e.s affirment que le commerce avec les colonies ne sert qu'à les légitimer, malgré qu'elles soient illégales en vertu du droit international et un obstacle à la paix. Leur contrôle par Israël coûte des milliards de dollars par année à l'économie palestinienne, alors que la pauvreté en Cisjordanie est passée de 12 % à 28 % au cours des deux dernières années, avec un taux de chômage observé de 35 % (doublé depuis octobre 2023).
Israël attire des investissements commerciaux dans ses colonies partout en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, en offrant des incitatifs, comme des loyers abordables, des allocations pour la technologie et les salaires, des allégements fiscaux et des subventions en espèces. Parmi les sociétés internationales et les institutions financières qui continuent de faire affaire, ou ont récemment commercé, avec les colonies israéliennes, notamment par la prestation de services ou la réalisation d'investissements, permettant ainsi de les soutenir et de les légitimer, on retrouve :
- La société allemande TUI, un autre conglomérat de voyage, continue de présenter plusieurs visites de colonies israéliennes illégales. TUI offre toujours une « visite à double récit narratif », laquelle amène les visiteurs.euses à rencontrer des colons dans la ville d'Hébron, en Cisjordanie, à bord d'un « autobus de colonie pare-balle ».
- L'équipement fabriqué par JC Bamford Excavators (JCB), une entreprise de construction britannique, est utilisé par Israël pour démolir des structures, des maisons et des cultures palestiniennes, et pour construire des colonies illégales. Les entreprises de construction, comme JCB, profitent du transfert forcé des Palestinien.ne.s et de l'expansion des colonies.
- La géante multinationale allemande Siemens fournit de l'équipement et des services pour les infrastructures de transports dans les colonies, dont une entente ferroviaire valant plus de 1 milliard d'euros.
- Le détaillant français Carrefour a établi une entente avec Yenot Bitan pour produire et vendre les produits Carrefour en Israël. Il existe au moins neuf boutiques Yenot Bitan sur le territoire palestinien occupé, dont deux affichant pleinement la marque Carrefour.
- Parmi les banques étrangères qui continuent de financer les activités commerciales dans les colonies à l'aide de prêts et de soutien financier, la multinationale britannique Barclays a fourni 18,1 milliards de dollars en prêts et services aux entreprises impliquées dans les colonies de janvier 2021 à août 2024, en faisant le troisième plus important créancier des entreprises complices du commerce avec les colonies, après BNP, Paribas et HSBC.
- La société de transport maritime danoise Maersk a transporté des marchandises pour quatre entreprises figurant dans la base de données de l'ONU des entreprises complices de l'économie des colonies : Comasco, Extal, Ofertex Industries et Twitoplast.
- La société espagnole eDreams Odigeo, l'une des plus grandes agences de voyage au monde, ainsi que sa filiale Opodo, ont été identifiées comme proposant des hôtels et hébergements situés dans des colonies israéliennes en Cisjordanie.
Environ 6 500 Palestiniennes sont maintenant employées dans les colonies à cause des politiques d'Israël qui ont dévasté les emplois locaux, leur donnant ainsi peu d'autres choix. Approximativement 65 % d'entre elles gagnent moins de 20 $ par jour et la plupart n'ont aucun contrat écrit ou d'assurance maladie, travaillant souvent dans de mauvaises conditions, dangereuses et pendant de longues heures.
Le salaire moyen des Palestiniennes qui travaillent dans les colonies est considérablement inférieur au salaire minimum israélien, mais plus élevé que celui des emplois locaux. Voilà qui illustre comment les difficultés économiques imposées par les colonies forcent la population locale à travailler dans des conditions d'exploitation.
L'UE demeure le plus important partenaire commercial d'Israël, représentant environ 32 % de l'ensemble du commerce de biens, avec un volume des échanges commerciaux total s'élevant à 42 milliards d'euros par année. Le R.-U. est un des plus importants partenaires commerciaux européens d'Israël, affichant une valeur tout juste sous la barre des 6 milliards d'euros par année.
Les militant.e.s insistent pour que les pays, particulièrement ceux de l'UE et du R.-U., interdisent explicitement les activités commerciales avec les colonies d'Israël, y compris la prestation de services et la réalisation d'investissements. Les entreprises exportatrices israéliennes doivent déterminer l'origine des biens et être tenues responsables des fausses déclarations. On doit interdire aux banques et aux institutions financières de fournir des prêts et du crédit aux sociétés bénéficiant des colonies qui financent des projets dans les colonies.
Note à la rédaction
- Les militants et militantes ont contacté les entreprises mentionnées avant la publication du rapport. Depuis l'envoi des passages les concernant, eDreams et Maersk ont annoncé des changements de politique concernant leurs activités commerciales dans les colonies israéliennes illégales. Opodo avait retiré ses offres au moment de la publication. Ces éléments ont été pris en compte dans le rapport.
- « Les organisations qui soutiennent la campagne « Stop au commerce avec les colonies » (#stopsettlements) sont listées dans la préface du rapport. Le lien vers le rapport intitulé "Stop au commerce avec les colonies : Comment les États et entreprises étrangères permettent à Israël de mettre en œuvre sa politique de colonisation illégale" est disponible ici ».
- L' Avis consultatif de la CIJ de juillet 2024 sur les Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d'Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est a statué que les États membres sont tenus, en vertu du droit international, de « ne pas entretenir, en ce qui concerne le Territoire palestinien occupé ou des parties de celui-ci, de relations économiques ou commerciales avec Israël qui seraient de nature à renforcer la présence illicite de ce dernier dans ce territoire » et de « prendre des mesures pour empêcher les échanges commerciaux ou les investissements qui aident au maintien de la situation illicite créée par Israël dans le [Territoire palestinien occupé].
- Le commerce avec les colonies compte toute relation commerciale, directe ou indirecte, avec les colonies israéliennes dans le territoire occupé. Ceci englobe les filiales, les services, le financement et les chaînes d'approvisionnement. Les entreprises qui permettent la réalisation de ces activités ou qui y participent risquent d'être jugées complices de violations du droit international humanitaire et du droit en matière de droits de la personne. Les activités commerciales peuvent également être liées aux colonies lorsqu'elles sont réalisées avec une entreprise elle-même basée dans une colonie ou qui est étroitement impliquée dans des affaires avec les colonies. Plus de 700 000 Israélien.ne.s vivent dans des centaines de colonies implantées dans le territoire palestinien occupé, majoritairement en zone C de la Cisjordanie. Les colonies israéliennes contrôlent plus de 42 % de la superficie totale de la Cisjordanie et sont reliées par des routes, des voies ferrées, des zones industrielles et d'autres infrastructures, et comptent près de 900 postes de contrôle militaires.
- Taux de chômage en Cisjordanie. Consulter Palestine Economic Policy Research Institute-MAS (février 2025).
- Taux d'augmentation de la pauvreté 2023-2024. Consulter OIT (octobre 2024).
Source : AFPS
france-palestine.org